Ces temps-ci, une bonne nouvelle n’attend pas l’autre en matière de mobilité durable. À Montréal, après le projet de Réseau express métropolitain, c’est l’annonce du prolongement de la ligne bleue qui va permettre de tenir enfin une vieille promesse. À Québec, le projet de réseau structurant est un grand pas vers davantage d’efficacité et de choix de transport. Enfin, c’est à l’ensemble des sociétés et autres organismes de transport que la Politique de mobilité durable, dévoilée ce matin, va donner de l’oxygène. De belles victoires pour nous qui avons cofondé, soutenu et investi depuis sept ans dans TRANSIT, l’Alliance pour le financement du transport collectif.
Tous ces investissements sont des avancées, significatives, dans la bonne direction. Toutefois, si nous ne voulons pas nous réveiller dans 10 ans avec des actifs de transport collectif en perte de valeur et d’utilité, nous devons prendre garde à ne pas gaspiller le potentiel de ces projets par un mode de développement urbain inconséquent.
En effet, le meilleur plan de transport demeure selon nous un bon schéma d’aménagement ou un bon plan d’urbanisme. Quand on planifie des quartiers non reliés au transport en commun, quand on installe des sièges sociaux à des sorties d’autoroute, quand on délocalise des commerces dans une périphérie de plus en plus éloignée, on prive le transport collectif d’usagers potentiels et on renforce la dépendance à l’automobile, en dépit de l’importance des investissements consentis. Il est très intéressant de constater que la vision de la Politique de mobilité durable reconnaît ce rôle primordial de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme.
« En 2030, le Québec est un leader nord-américain de la mobilité durable et intégrée du 21e siècle. Sur un territoire aménagé dans une perspective de mobilité durable, il dispose d’un écosystème des transports performant, sécuritaire, connecté et sobre en carbone, qui contribue à la prospérité du Québec et répond aux besoins des citoyens et des entreprises. » (Politique de mobilité durable, Vision 2030)
Le meilleur moyen de rentabiliser les réseaux que nous allons déployer un peu partout sur le territoire est de concentrer, à leurs abords, l’essentiel de la croissance démographique et économique attendue pour les prochaines années. C’est d’ailleurs un choix gagnant-gagnant : les entreprises et les ménages y profiteront d’une excellente desserte, tandis que les sociétés de transport rentabiliseront leurs réseaux. Qui plus est, consolider en priorité les secteurs déjà urbanisés évitera des dépenses additionnelles en infrastructures et services publics, en plus de prévenir les multiples conséquences de l’étalement urbain.
Il ne faut pourtant pas sous-estimer la difficulté supplémentaire de « reconstruire la ville sur la ville » (et sur la banlieue). Terrains plus petits et parfois contaminés, enjeux d’intégration au bâti existant, mise à niveau de certains réseaux et autres complications règlementaires : autant pour les promoteurs que pour les municipalités, plusieurs défis sont à relever.
Pour aider les acteurs locaux, nous proposons à l’État et aux partis politiques, bientôt en élection, de compléter la Politique de mobilité durable par la création d’un fonds de 100 millions de dollars par année, en appui aux projets de consolidation – un ajout qui s’intègrerait parfaitement dans une Politique nationale de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme. Ils soutiendront ainsi les villes les plus déterminées à mettre en œuvre un mode de développement viable. Ce coup de pouce, d’un montant faible comparé à l’ampleur des retombées, contribuera à l’atteinte de grands objectifs collectifs, que ce soit en matière de lutte contre les changements climatiques ou de création de milieux de vie favorables à la santé.
Rentabiliser nos investissements en transport collectif exige une vision d’ensemble qui s’incarne dans chaque petite décision, car nos villes sont le résultat de ces choix successifs. Il faut faire en sorte de rendre ces décisions plus faciles à prendre. Nous y gagnerons tous.