Il se passe peut-être quelque chose au Québec dans la manière dont nous envisageons l’avenir de nos villes et villages, en ce printemps 2018. Cela bouge en plusieurs lieux. Serions-nous en train d’amorcer un véritable virage?
Il y a moins d’un mois, l’alliance ARIANE a réuni plus de 120 représentants de divers domaines autour de l’enjeu d’une Politique nationale de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme, lors du Forum « Savoir où on s’en va ». Il y aura un long chemin à parcourir pour atteindre l’objectif visé, mais la journée a été inspirante et énergisante, à voir et entendre des économistes, des environnementalistes, des gens d’affaires, des spécialistes de la santé publique et du patrimoine discuter ensemble de l’importance de mieux aménager nos villes et nos villages. Enfin, nous n’étions pas juste entre spécialistes de l’aménagement!
Après la prise de conscience des États généraux de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme en 2006, le Forum du 20 février peut être considéré comme un moment historique. C’est en effet la première fois que se réunissaient autant d’acteurs de secteurs aussi variés, désireux de briser les silos pour contribuer à une vision commune en aménagement. À souligner, la présence des quatre partis politiques québécois qui, tous, ont accepté de prendre la parole sur ce sujet.
Un peu partout au Québec, cet esprit de changement tend à se matérialiser, par la mise en œuvre de projets structurants pour les collectivités. À Montréal, l’automne électoral est en train de produire des fruits intéressants à l’échelle de la rue. Le réaménagement de la Sainte-Catherine s’annonce prometteur, plus de place étant promise aux piétons pour une artère à la hauteur de son rôle emblématique pour la métropole. Le sens de l’échelle humaine et celui des symboles s’expriment aussi dans la décision de mettre fin au trafic de transit sur le Mont-Royal.
À Québec, c’est à mots de moins en moins couverts qu’on évoque pour bientôt l’annonce officielle d’un tramway. Après des décennies de tergiversation, la capitale pourrait bien se voir donner un nouveau souffle par un réseau structurant de transport collectif, à la capacité considérablement augmentée.
Les choses bougent aussi en dehors des deux plus grandes villes, comme à Saint-Elzéar, qui a choisi de « s’agrandir de l’intérieur plutôt que d’empiéter sur le territoire agricole », à Saint-Bruno, qui a adopté une Politique Ville nourricière, ou à Gatineau, qui a décidé de miser sur « l’économie mauve », c’est-à-dire sur la culture et le patrimoine, pour dynamiser son centre-ville. Ainsi, que ce soit à l’échelle nationale ou locale, on peut observer un certain dégel.
Bien sûr, il y a des poches de résistance. La protection accrue des milieux humides fait grincer des dents quelques maires. D’autres s’obstinent à réclamer des élargissements d’autoroutes. Au gouvernement, l’élaboration d’orientations gouvernementales en aménagement du territoire précises et ambitieuses rencontre des obstacles difficiles à s’expliquer.
Néanmoins, les exemples sont nombreux de l’appétit accru pour des milieux de vie plus résilients, plus conviviaux, plus prospères, que ce soit de la part des décideurs, des citoyens ou des professionnels – qui, pour bon nombre d’entre eux, le réclament depuis longtemps.
Ce printemps n’est-il qu’un redoux trompeur avant le retour de l’ère glaciaire? Il incite en tout cas à accentuer les efforts pour maintenir absolument le momentum actuel. Sur toutes les tribunes, il faut marteler le message : l’aménagement du territoire et l’urbanisme sont importants. Il ne s’agit pas d’une responsabilité mineure de l’État et de nos municipalités. Nous ne le répèterons jamais assez : à chaque fois qu’on construit un bâtiment, un pont, une route, on devrait avoir comme ligne de mire un horizon de cent ans. Il faut cesser de voir chaque décision sur le cadre bâti comme une anecdote isolée pour enfin soupeser ses résultats cumulés et à long terme.
Et si cette fois était la bonne?