J’étais en train d’écrire une chronique estivale en vrac, qui se voulait légère et sympathique. J’allais vous parler du fantastique mouvement de libéralisation des pelouses, de mon été dans nos centres-villes, noyaux villageois et artères commerciales, de la merveilleuse montée en popularité des marchés publics et du fantastique Réseau Express Vélo (REV) de Saint-Denis qui est là pour rester. Je finissais quand même de manière très sérieuse sur la place grandissante que devait prendre la question des inégalités environnementales dans la planification de nos villes. Je me disais qu’un peu de légèreté et de diversité dans les sujets abordés seraient bienvenue à l’aube de l’incertaine quatrième vague de COVID...
De minuit moins cinq à minuit moins une
La sortie du plus récent rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a complètement tari mon enthousiasme. J’ai perdu l’inspiration. Difficile de rester optimiste devant les perspectives catastrophiques du rapport : incendies de forêt, sécheresses, pluies diluviennes, inondations et effondrement du Gulf Stream sont à prévoir dix ans plus tôt que prévu. Et difficile de ne pas les croire quand on regarde le bilan des catastrophes de l’été.
Pour être franc, j’ai passé la journée de lundi dans un certain désarroi. Je repensais à mes 18 dernières années de travail où j’ai contribué de très près ou collaboré à des dizaines de communiqués, mémoires, livres, comités, rapport, campagnes, colloques, conférences, etc. Tout ça sans vraiment réussir à faire bouger significativement l’aiguille des émissions de GES du Québec.
Je repensais aussi au rapport du GIEC de 2013 qui annonçait déjà qu’il était minuit moins cinq pour le climat et je me disais: Si les émissions de GES ont continué de monter alors qu’il était minuit moins cinq, pourquoi réagirions nous plus à minuit moins une?
Faire entrevoir, faire rêver
Ceux qui me connaissent le savent, je ne reste pas désemparé très longtemps. Le lendemain matin, je me suis souvenu que les différents paliers de gouvernement n’avaient jamais autant investi dans la lutte contre les changements climatiques. Que sondage après sondage, la question demeure une priorité et que la jeunesse qui monte en fait la cause d’une génération.
Toutefois, j’ai l’intime conviction que pour garder ce momentum et éviter de reculer à nouveau au détour d’une élection, pour rallier à notre cause des nouveaux segments de la population, on ne pourra se contenter de crier toujours plus fort à l’urgence climatique. Il faut essayer autre chose.
Il faut maintenant faire entrevoir les possibilités et les changements positifs qui peuvent venir dans un monde sobre en carbone. Pour certains, ce sera une voiture électrique. Pour d’autres, un emploi dans les énergies renouvelables. Pour la plupart (on l’espère, parce que c’est notre mission à Vivre en Ville!) une vie plus simple et plus douce, où la communauté et la proximité sont au cœur des modes de vie. En fait, il faudra réussir à faire rêver.
Pour l’instant, le rêve est encore du côté du monde d’hier, celui de la grosse voiture, de la grosse maison, de la consommation à outrance. Il faut faire en sorte que le rêve du monde de demain soit celui de la proximité, de la sobriété énergétique et de la consommation responsable. Le rêve d’une plus grande qualité de vie. C’est un défi de communication et de politique publique, mais c’est surtout un défi de société. Je pense qu’on peut y arriver, même s’il est minuit moins une.