Confession: dès mes études, c’est l’angle social, et pas l’angle environnemental, qui m’a d’abord motivé à travailler sur les milieux de vie. J’ai toujours été sensible à l’impact des choix de développement de nos collectivités sur les personnes les moins favorisées – celles qui n’ont ni piscine, ni air climatisé pour échapper aux vagues de chaleur, par exemple. Celles pour qui il est d’autant plus important d’avoir des espaces publics de qualité, que l’espace privé leur fait parfois défaut.
Pourtant, jusqu’à récemment, on ne se vantait pas d’être motivé par des enjeux sociaux. Ce qu’il fallait développer, c’était des projets en environnement. C’est là qu’était le financement et là qu’était l’attention. Les retombées en matière d’équité étaient vues comme un cobénéfice sympathique, mais ça ne faisait pas bouger les aiguilles du côté des subventionnaires, ni des décideuses et des décideurs.
Pour promouvoir le développement du transport en commun, on parlait de son bilan carbone allégé – beaucoup moins du fait qu’il permet aux personnes en situation de vulnérabilité d’accéder à davantage de choix en matière d’emploi, d’étudier plus commodément et de participer pleinement à la vie économique et culturelle de leur collectivité.
Je me réjouis donc, ces temps-ci, de voir le « socio » se faire une place grandissante à l’intérieur de la nécessaire transition écologique à laquelle nous travaillons. On le dit de plus en plus fermement: ce qu’il nous faut entreprendre, c’est bel et bien une transition socio-écologique. D’autant plus que les changements climatiques vont ajouter une couche aux dommages environnementaux auxquels les populations vulnérables sont bien souvent les plus exposées. À cet égard, le récent répertoire de l’INRS, Villes, climat et inégalités, est une heureuse initiative.
La manière dont nous construisons nos villes peut atténuer, perpétuer, ou aggraver les inégalités sociales. Distances à parcourir, qualité de l’air, bruit, insécurité routière, îlots de chaleur, offre alimentaire, accès aux services: nos quartiers ne sont pas égaux. Et malheureusement, les iniquités territoriales se superposent souvent aux inégalités économiques et sociales.
Si nous voulons vraiment « ne laisser personne derrière », il nous faut aiguiser notre compréhension des iniquités territoriales et ajouter, aux nombreuses responsabilités des concepteurs et conceptrices de milieux de vie, celle de la lutte contre les inégalités. D’autant plus que plusieurs dynamiques récentes, comme l’inflation, l’itinérance ou la fracture numérique, font craindre une aggravation des écarts préoccupante pour le tissu social.
L’offre de transport en commun est un domaine où les iniquités sont particulièrement flagrantes. Accès transports viables, dont j’étais alors directeur, s’est beaucoup battu, à Québec, en faveur d’une meilleure desserte du quartier Saint-Sauveur, dont la couverture n’était vraiment pas à la hauteur d’un quartier central et densément peuplé. Nous avons modestement contribué à la mise en service de la ligne 19, un parcours local qui monte en haute-ville et facilite ainsi les déplacements, particulièrement pour les personnes âgées ou à moindre mobilité. C’est aussi cette préoccupation pour l’équité qui motive mon intérêt pour le projet de REM de l’Est: les populations de l’Est et du Nord-Est de Montréal demeurent enclavées, alors que l’Ouest de l’île disposera bientôt d’un accès inégalé aux zones d’emploi de l’agglomération.
Le logement est un autre déterminant majeur de santé et d’équité sur lequel Vivre en Ville a accentué son travail, comme je l’avais promis dans une précédente chronique. La crise en habitation fait davantage les manchettes maintenant qu’elle touche aussi la classe moyenne, mais ce sont encore les plus vulnérables et les plus susceptibles de subir des discriminations qui en subissent les pires conséquences. C’est en pensant à elles et eux que nous poursuivrons notre engagement en faveur de l’abordabilité en habitation.
Développer un œil critique envers tout ce qui crée ou fait perdurer des inégalités, cela voudra aussi dire, dans certains cas, remettre en question les attentes de personnes ou groupes privilégiés qui se servent d’arguments environnementaux pour préserver leurs avantages.
Alors que les atouts des collectivités viables sur le plan social étaient jusqu’ici souvent présentés comme des bénéfices collatéraux du nécessaire virage environnemental, c’est maintenant à visage découvert que je vais pouvoir contribuer à la montée en force de cette sensibilité pour les iniquités territoriales. En attendant de pouvoir vous présenter les prochaines initiatives et collaborations de Vivre en Ville, je vous invite à assister au webinaire que nous tiendrons sur ce sujet le 22 février.