6 choses que le gouvernement pourrait faire
Le nouveau gouvernement de la CAQ pourrait-il nous surprendre?
François Legault et sa nouvelle équipe de ministres feront face à un défi important: répondre au désir de continuité exprimé par les Québécoises et les Québécois, tout en menant à bien les transitions nécessaires pour jeter les bases du Québec du XXIe siècle. Or, on ne peut pas dire que la CAQ ait fait une campagne inspirante en matière d’environnement. Penser répondre au défi climatique avec des barrages, ça fait un peu années 70.
La majorité des experts le disent et le répètent: pour réussir la transition énergétique, il ne faudra pas seulement opter pour plus d’énergies renouvelables. Il faudra aussi réduire notre consommation d’énergie. Cela va prendre des changements majeurs de l’économie et de la société québécoises.
Ce gouvernement aura du pain sur la planche! L’avantage de la continuité, c’est qu’il ne sera pas possible de plaider la nouveauté pour retarder les actions nécessaires. Et le Québec a heureusement des moyens financiers à sa disposition pour financer la transition, puisque le Fonds d’électrification et de changements climatiques (ancien Fonds vert) est bien approvisionné par le marché du carbone.
Bref, François Legault a la capacité et le budget pour répondre aux urgences environnementales. Son gouvernement saura-t-il faire preuve de la volonté politique et du leadership nécessaires? Voici plusieurs gestes majeurs par lesquels il pourrait nous surprendre. La liste n’est pas exhaustive. :-)
1. Sortir le gaz du bâtiment
Le chauffage des bâtiments représente encore près de 10% de nos émissions de gaz à effet de serre. Interdire dès le présent mandat, pour les nouveaux bâtiments, le recours au gaz naturel, permettrait d’éviter de nouvelles émissions. C’est un dossier « facile », dans la mesure où il n’implique pas de changements de comportement majeurs. Accélérer la conversion des systèmes de chauffage des bâtiments existants est une autre porte à ouvrir pour trouver quelques-uns des 15 millions de tonnes de réduction manquants au Plan pour une économie verte pour atteindre la cible de 2030.
2. Mettre l’État et ses investissements au service de l’adaptation aux changements climatiques
Chaque année, l’État investit lui-même et transfère aux municipalités des milliards pour les infrastructures publiques. Ces sommes, qui devraient être bonifiées pour se rapprocher des demandes des villes, peuvent être mises à profit pour adapter les collectivités aux changements climatiques. Ajuster chaque programme en fonction du climat futur serait beaucoup plus porteur que de continuer dans la même voie, tout en ajoutant de nouveaux programmes.
3. Oser les grands projets de transport collectif
Jusqu’ici, c’est aux autoroutes qu’on a donné des noms de premiers ministres. Mais les temps changent. Le futur gouvernement pourrait prendre résolument le parti de la mobilité durable, et lancer un vaste programme de réinvestissement en transport collectif.
Les transports comptent pour 43% des émissions de gaz à effet de serre du Québec et l’électrification, même rapide, du parc de véhicules ne suffira pas à alléger assez vite le bilan – sans parler des autres conséquences de la dépendance à l’automobile privée. Construire des réseaux structurants de transport en commun est indispensable pour soutenir, dès demain, un mode de développement urbain durable. C’est aussi une question d’équité territoriale.
4. Prendre le virage de l’écofiscalité
La CAQ a annoncé des baisses d’impôts. Les besoins en investissements publics ne vont pas diminuer. Parallèlement, autant les municipalités que la vérificatrice générale déplorent le manque de recours du Québec à l’écofiscalité. Réaliser ce virage mettrait le Québec sur la voie de l’innovation, de la cohérence et de l’efficience.
Le gouvernement caquiste, qui connaît bien les coûts du système actuel de subvention à l’achat d’une voiture électrique, pourrait-il mettre en place un bonus-malus plus progressif que celui envisagé par Québec solidaire pour en améliorer l’acceptabilité? L'écofiscalité est la meilleure avenue pour réaliser les baisses d’impôts promises, sans priver l’État de ses moyens.
5. Répondre aux questions que tout le monde se pose sur le 3e lien
Telle une balle rebondissante, le dossier n’a cessé de cogner partout durant la campagne électorale. Le projet n’a pas avancé depuis 4 ans. Pour sortir de l’atmosphère toxique qui l’entoure, il faudra bien se décider à aller au fond des choses et étudier les scénarios possibles de façon transparente.
Quels sont les besoins actuels? Quels seraient les effets d’une nouvelle infrastructure de transport sur l’organisation urbaine de Québec et de Lévis, sur l’environnement, sur les terres agricoles? Y a-t-il des comparables, ailleurs dans le monde, de tunnels autoroutiers? Et si le projet de tunnel évoluait vers une version « transport collectif uniquement », comme l’ont proposé le Parti Québécois et le Parti libéral?
6. Entrer dans l’ère de la consolidation du territoire
Il est maintenant largement admis que l’étalement urbain est la principale cause de la dégradation de l’environnement au Québec, en plus d’être un gouffre pour les finances publiques et d’être associé à divers enjeux de santé. Chaque friche industrielle ou commerciale, chaque bâtiment vacant, chaque terrain sous-utilisé est donc une denrée précieuse. Le gouvernement devrait devenir obsédé par la mise en place des conditions gagnantes pour l’optimisation du territoire.
Quelle crédibilité dans ce dossier pour la CAQ, dont des ministres ont rivalisé de déclarations frivoles sur la densification qui serait une mode et le troisième lien, qui permettrait de lutter contre l'étalement urbain? J’y reviens souvent, mais c'est ce même parti qui a lancé l’ambitieuse conversation nationale sur l’aménagement du territoire, qui doit mener à une première réforme du cadre d’aménagement en 40 ans. Un des principaux objectifs de la démarche est de freiner l’étalement urbain sur les milieux naturels et agricoles.
Rappelons aussi que jamais auparavant, le milieu municipal n’avait demandé aussi clairement de transformer notre modèle de développement urbain. Les conditions pour réussir sont réunies. Cela pourrait constituer un grand legs de ce gouvernement.
Rehausser la cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre
Pour conclure, en plus des actions concrètes, voici une décision responsable que pourrait prendre le gouvernement. Faire passer la cible du Québec, à l’horizon 2030, à -45% de réduction des émissions mettrait le Québec en cohérence avec l’accord international de Glasgow. Trois partis proposaient une cible au moins aussi ambitieuse, dont deux – le Parti Québécois et Québec solidaire – ont travaillé avec une firme indépendante pour modéliser une trajectoire de réduction. La même firme avec laquelle le gouvernement fait déjà affaire. C’est bien que ça doit être possible.
À première vue, l’environnement n’a pas gagné ses élections. Mais François Legault avait déjà surpris une première fois, il y a quatre ans, en ajoutant ce dossier à la liste courte de ses priorités, sous la pression notamment de la jeunesse. Cette fois-ci, passera-t-il de la parole aux actes? C’est la surprise que je nous souhaite.