Il y a à peine deux mois, le momentum n’avait jamais été aussi favorable au développement de collectivités viables. Plusieurs indices portaient à croire qu’on allait enfin prendre le virage et mieux construire nos bâtiments, nos rues, nos quartiers, nos agglomérations. Le budget du Québec annonçait des sommes records pour le transport collectif. La ministre des Affaires municipales nous préparait, à mots couverts, à l’amorce d’une Politique nationale d’aménagement du territoire. De plus en plus de villes innovaient pour construire des écoquartiers, souvent sur des friches urbaines. On peut ajouter, en vrac, la popularité du vélo, le développement de l’agriculture urbaine, la bonne performance immobilière de Montréal, le consensus contre l’étalement urbain, par exemple.
Ces élans ont été mis sur pause en même temps que tout le Québec et il semble que les milieux de vie à échelle humaine risquent de devenir, si on n’y prend garde, des victimes collatérales de la pandémie. On peut craindre que l’agenda politique ne soit plus aux réflexions profondes ni aux visions ambitieuses. Pire, certains sautent aux conclusions et font, par exemple, l’amalgame entre densité et risque accru de contagion. Les rues commerciales vont avoir souffert de leur fermeture prolongée et on doit s’attendre à une baisse d’achalandage dans le transport collectif, pour de nombreux mois. La culture de l’auto, depuis peu en régression, risque également de reprendre le dessus, entre service exclusivement au volant et spectacles donnés face à des stationnements.
On peut tout de même se réjouir de voir certaines tendances positives émerger. Par exemple, sans doute les transports actifs sortiront-ils renforcés de la crise, avec un peu plus d’espace alloué et de considération accordée. On pourrait aussi voir se former, un peu partout, des systèmes alimentaires de proximité mettant à profit l’engouement renforcé pour la consommation et la production locales.
Si la crise peut accélérer ces mouvements, ce sera toujours cela de gagné. Mais, somme toute, pour les collectivités, on doit redouter des reculs bien plus importants que les quelques avancées escomptées.
Nous avions le vent en poupe, nous voici rendus vent de face. Il faudra travailler très fort pour faire tomber ces nouveaux obstacles.
Plus que jamais, c’est le temps de se mobiliser pour ne pas trop reculer quand le Québec se remettra en marche. Plus que jamais, il faut défendre les services de proximité, les espaces publics, le tissu collectif qui lie nos communautés. Sinon, c’est vivre le plus loin possible en télétravail, tout faire depuis son automobile-forteresse et faire livrer ses carottes par Amazon méga-prime-plus qui seront les seules tendances à s’imposer.
Plus que jamais, il faut rappeler ce qui doit changer, pour le mieux, dans nos villes. Plus que jamais, il faut se garder d’opposer Montréal et les régions ou les villes et les villages: c’est partout que nous devrions pouvoir vivre dans des milieux de vie complets, à échelle humaine.
Plus que jamais, nous avons besoin d’une politique nationale d’aménagement du territoire, d’investissements en transport collectif, de protéger nos terres agricoles et milieux naturels de l’étalement urbain, de décontaminer des terrains pour y construire des écoquartiers. Le cri du cœur pour nos cœurs de collectivités lancé en février (il y a une éternité!) est plus que jamais pertinent.
Le gouvernement avait annoncé que l’année 2020 serait celle de l’environnement. L’urgence demeure. Plus que jamais, les collectivités doivent être au cœur de la réponse à la crise environnementale.
Plus que jamais, Vivre en Ville montera au front pour défendre une certaine idée du vivre ensemble, avec tous les alliés et partenaires volontaires. Nous avons ainsi, avec le G15+, amorcé des propositions pour que la relance économique à venir soit aussi solidaire et verte, nous inscrivant dans un véritable mouvement international.
Alors que la situation nous a affaiblis sur le plan organisationnel et financier, l’équipe de Vivre en Ville est sollicitée plus que jamais pour défendre les collectivités viables, en privé et en public. C’est d’ailleurs dans ce contexte que nous avons lancé notre premier appel aux dons.
Nous vous invitons, vous aussi, à vous mobiliser plus que jamais, pour les collectivités viables et pour tout ce qui vous tient à cœur. Parlez à vos proches. Intervenez sur les réseaux sociaux. Écrivez à vos élus. Nous aurons besoin de toute la détermination possible pour reprendre le momentum que nous pourrions avoir perdu.