Récemment, les enjeux liés au gaz naturel et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le secteur du bâtiment ont rythmé l’actualité à de nombreuses reprises. À Vivre en Ville, nous considérons la décarbonation des bâtiments comme un chantier prioritaire de la transition énergétique au Québec en raison du poids du secteur dans les inventaires des émissions de GES de nos collectivités, mais également parce que des solutions à maturité sont aujourd’hui disponibles afin de réaliser cette transition.
Montréal, chef de file en décarbonation des bâtiments
Le 16 février 2023, à la suite d’une consultation publique, la Commission sur l’eau, l’environnement, le développement durable et les grands parcs publiait ses recommandations quant à la Feuille de route Vers des bâtiments montréalais zéro émission en 2040. La Ville de Montréal a ainsi un mandat fort pour « mettre en route la feuille de route » assurant des bâtiments zéro émission dès 2025 pour les nouvelles constructions et en 2040 pour l’ensemble du cadre bâti. En droite ligne avec nos propositions, la Commission souligne :
-
la mobilisation croissante des municipalités du Québec appelant le gouvernement du Québec à décarboner le secteur du bâtiment en interdisant le recours aux combustibles fossiles, et;
-
les compétences municipales afin de réglementer en vue d’une décarbonation des bâtiments
La Commission réfère ainsi à la sortie de 5 municipalités le 13 décembre dernier en vue d’un abandon du gaz naturel dans la consommation énergétique du cadre bâti et au rapport sur les compétences municipales en décarbonation des bâtiments – produit par le Centre québécois du droit de l’environnement, en collaboration avec Vivre en Ville.
Un cadre indispensable à la transition énergétique
Parmi les recommandations principales de la Commission, on retrouve l’interdiction du gaz naturel dans les nouveaux bâtiments. Les enjeux de distribution de gaz naturel étant de compétence gouvernementale, la Ville de Montréal devra fort probablement passer par l’imposition de normes d’émissions ou par l’interdiction d’équipements alimentés au gaz naturel.
Pour ce qui est des bâtiments existants, la Commission recommande le « retrait graduel des systèmes de chauffage fonctionnant au moyen d’un combustible fossile […] en fonction de leur durée de vie utile et de leur impact environnemental ». À terme, le gaz naturel ne serait permis que dans certains types de bâtiments – notamment patrimoniaux – lors des pointes hivernales. Toutefois, pour ces bâtiments, le gaz naturel ne pourrait dépasser « un seuil maximal de l’ordre de 15% » de la consommation énergétique totale.
En accord avec les propositions de Vivre en Ville et de plusieurs autres participants à la consultation, la Commission souligne que la décarbonation des bâtiments devra être accompagnée de mesures visant une économie d’énergie, que ce soit par la sobriété ou l’efficacité énergétique. Ces mesures incluent l’imposition de « cibles élevées de réduction de la consommation énergétique » et des « solutions de remplacement » particulièrement efficaces, telles que les thermopompes ou les accumulateurs de chaleur. Pour ce qui est des cibles de réduction de la consommation énergétique, la Ville de Montréal se devra de faire appel aux pouvoirs du gouvernement du Québec. Cette recommandation importante est faite dans le cadre des besoins en puissance exprimés par Hydro-Québec, notamment dans un contexte où d’autres secteurs devront également être électrifiés.
Favoriser les conditions de succès
Pour assurer l’atteinte de ces objectifs, la Commission présente plusieurs mesures visant un « accompagnement et soutien financier » des acteurs du bâtiment. En matière de décarbonation et d’économie d’énergie, l’information existe, mais elle est bien souvent dispersée, peu vulgarisée ou difficilement accessible aux acteurs du bâtiment. Pour cela, Vivre en Ville applaudit la recommandation de la Commission de créer « un guichet unique [rassemblant] l’ensemble des subventions et financements offerts et mettre à la disposition du public un éventail de scénarios adaptés clé en main dans l’optique de simplifier la démarche de conversion ».
Au niveau des soutiens financiers, plusieurs programmes existent, mais peu sont destinés aux ménages à faibles revenus. D’autres mesures devront être prises afin de s’assurer que les conversions énergétiques ne soient pas considérées comme de nouvelles opportunités d'éviction ou de hausses des loyers abusives par les propriétaires.
Poursuivre la transition
Vivre en Ville salue à nouveau la Ville de Montréal pour cette importante initiative qui la place à l’avant-garde de la décarbonation des bâtiments, que ce soit à l’échelle du Québec ou du Canada. Nous profitons de cette occasion pour inviter d’autres municipalités québécoises à se joindre au mouvement tout en considérant qu’il est indispensable qu’une démarche réglementaire similaire soit entreprise au niveau du gouvernement du Québec.
De plus, des feuilles de route devront être formulées pour aborder d’autres domaines de décarbonation et d’adaptation aux changements climatiques. Celles-ci devront intégrer une perspective globale et intersectorielle afin de pouvoir traiter efficacement les différents enjeux auxquels est confrontée la Ville. Une récente étude commandée par l’Union des municipalités du Québec (UMQ) évalue qu’à partir de 2025, il en coûtera minimalement 2 milliards de dollars de plus par année à l’ensemble des municipalités du Québec afin d’adapter leurs infrastructures aux changements climatiques. Cela équivaut à une progression de 12% du total des dépenses municipales.