Comme à chaque mois de novembre, la grand-messe du climat qu’est la COP suit ses rites et sa liturgie. Les chefs d’État défilent pour répéter leur prêche sur l’urgence d’agir, ils renouvellent leurs vœux d’engagement de réduire de « x pour cent » leurs émissions, mais la courbe des GES fléchit à peine. Au Québec, une série d’articles, citations d’experts et d’écologistes à l’appui, va répéter en chœur que le Québec ne va pas dans la bonne direction. Mais le gouvernement se donnera l’absolution parce que, pour des Nord-Américains, « on n’est pas si pire ». Bref, rien ne change.
Ici, rien ne change parce l’enjeu a toujours été traité en périphérie du pouvoir réel et sans rien bousculer de fondamental. Nos efforts ont toujours été pilotés par des ministres de l’Environnement à l’influence limitée qui ont réussi à améliorer des choses, mais toujours à la marge. Un peu de transport en commun par-ci, une pincée de verdissement par-là, quelques subventions, de la sensibilisation par-dessus tout ça, mais rien pour infléchir le cours normal des affaires de notre mode de vie et des gouvernements successifs. Pourtant, réduire notre empreinte environnementale, c’est beaucoup plus que construire davantage de barrages et d’éoliennes.
Il est temps de changer de stratégie. Pour réussir, cela prendra de la profondeur tant dans l’engagement que dans la mise en œuvre, décision par décision. C’est l’ensemble de l’appareil de l’État qui doit se mettre derrière nos objectifs. Surtout, la stratégie climatiques ne peut pas passer à côté des défis de notre époque. Pour reprendre le vocabulaire religieux, une sainte trinité nous apparaît incontournable: le transport, l’habitation et la biodiversité.
Le transport est depuis toujours le talon d’Achille du Québec dans la réduction des GES. Mais avec le chantier du pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, on mesure aussi à quel point notre système de transport, tout à l'auto, mine notre qualité de vie et notre économie. Briser notre dépendance à la motorisation individuelle est urgent, et pas juste pour le climat. Résolument, nous devons, pour avancer, construire en continu de grands projets de transport collectif tout en soutenant les villes pour favoriser la mobilité active et la proximité des services. Pensons aussi à l’autopartage. Il faut donner des options aux gens! La grosseur croissante des véhicules et la nécessité d’un malus à l’achat de voitures à essence doivent aussi cesser d’être des sujets tabous.
L’habitation vivait une crise latente qui a été exacerbée par la frénésie immobilière de la pandémie. Ses conséquences sociales commencent à plomber le filet social québécois. Pour la résorber, l’État devra intervenir afin de combler le déficit structurel entre l’offre d’habitation et la demande. Par leurs interventions, les pouvoirs publics doivent s’assurer de stimuler l’offre dans nos cœurs de collectivités, où les distances sont les moins longues à parcourir, ainsi qu’à proximité du transport en commun. Des orientations gouvernementales favorables à la densification, le soutien financier à la construction d'écoquartiers et des investissements massifs en logement social seraient une manière de s'attaquer aux deux crises à la fois. Évidemment, ces nouveaux bâtiments devront être exemplaires sur le plan environnemental et ne pas se chauffer au gaz naturel.
La biodiversité est moins directement liée à nos conditions de vie. Mais notre interdépendance avec les écosystèmes est de mieux en mieux reconnue et la multiplication des initiatives citoyennes de protection de la nature montre bien qu’elle nous tient à cœur. Véritables infrastructures naturelles, les espaces et réseaux verts et bleus qui nous entourent soutiennent notre résilience à peu de frais. La nature nous rend ainsi des services d’une valeur immense. Nous ne pouvons plus nous permettre de dégrader cet actif essentiel que notre mode de vie met en péril. Avec la tenue en décembre chez nous, à Montréal, de l’autre COP – celle de la biodiversité –, tout est réuni pour de grandes avancées, notamment en vue de freiner l’étalement urbain, identifié mondialement comme une des principales menaces à la biodiversité.
Le Québec a tout ce qu’il faut pour devenir un champion climatique qui ouvrira la route aux autres juridictions. Nous avons un contexte énergétique favorable et, avec les fonds de la bourse du carbone et la bonne santé financière de l’État, nous disposons des moyens budgétaires pour nous attaquer au chantier. Pour cela, il faudra accepter de percer la surface pour aller en profondeur, et oser être radical en s’attaquant à la racine des problèmes. Tout ça, en améliorant la qualité de vie à moyen et long terme. Parce que oui, à court terme, beaucoup vont se sentir bousculés.
Pour y arriver, il faut commencer maintenant à prendre les bonnes décisions. En ce qui concerne les enjeux structurants du transport, de l’habitation et de la biodiversité, le plan d’action de la Politique nationale d’architecture et d’aménagement du territoire, attendu en février, est l’occasion rêvée pour ce virage. C'est dans nos villes et nos villages et sur notre territoire que se mesureront les résultats de notre contribution au nécessaire effort planétaire.