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L'urgence d'un investissement structurant en logement à but non lucratif

Par: Adam Mongrain
06 décembre 2022

Investissement

Les besoins en habitation progressent de façon indépendante des cycles économiques, et le rythme des mises en chantier ne devrait pas dépendre des conditions de marché.

L’une des causes fondamentales de la crise de l’habitation est la compétition pour l’espace qui existe: il n’y a tout simplement pas assez de logements disponibles pour que les gens puissent facilement trouver un chez-soi qui convient à leur besoin, et tous les segments du marché résidentiel ont vu leur prix exploser au cours des dernières années, traînés vers le haut par la surenchère entre les personnes qui cherchent à emménager ou à déménager. Qui plus est, l’écart continue à se creuser. Comme la population augmente plus rapidement que la création d’unités, chaque année exacerbe l’ampleur de la crise. L’arithmétique est évidente: plus nous serons nombreux, plus il faudra construire, autant en termes relatifs que nominaux. 

Le fossé se creuse

Depuis des années, nous n’y arrivons tout simplement pas. Même si l’année 2021 s’est avérée prolifique en mise en chantier d’habitations au Québec (croissance de 26% par rapport à l’année 2020), il s’agit d’un petit soubresaut  Le premier semestre de 2022 présente une tendance inverse, alors qu’on observe une diminution de 31% en septembre 2022 comparativement à septembre 2021. Cela pourrait annoncer de potentielles baisses encore plus marquées dans les prochains mois. Si la disponibilité de la main-d’œuvre et les coûts de construction expliquent en partie ce recul, l’augmentation des taux d’intérêt ainsi que le spectre d’une récession économique minent la rentabilité de plusieurs projets résidentiels, invitant les promoteurs à reporter leur réalisation ou à simplement les abandonner. Cette situation est connue et attendue : les cycles de construction suivent les cycles économiques. Ils augmentent dans les contextes de vélocité et reculent lors des ralentissements. Mais ces cycles ne suivent pas pour autant la croissance démographique et encore moins le besoin réel en unités, que la SCHL estime à 620 000 au Québec d’ici 2030. Autrement dit, l’arrimage des conditions de développement des promoteurs à but lucratif aux cycles économiques agit comme une contrainte à l’effort qui est exigé pour remédier au manque criant de logements au Québec. 

Nous n’avons pas à être passifs et impuissants

C’est précisément pour contrer ces creux de vague que l’intervention de l’État pour soutenir le lancement ou l’achèvement de projets résidentiels à but non lucratif prend tout son sens. Ceux-ci étant liés aux seules exigences de viabilité d’exploitation et non aux rendements d’investissements, ils se trouvent moins sensibles aux variations des conditions économiques. Ces investissements opportuns permettraient d’accroître non seulement le nombre absolu de logements à but non lucratif, mais également sa proportion du marché locatif total, en profitant du ralentissement du secteur privé. Et cette condition, nous pensons, est primordiale pour créer un contexte d’abordabilité résidentielle au Québec. 

Les disparités régionales posent également des contraintes au développement résidentiel que nous devons collectivement surmonter. Vivre en Ville travaille en étroite collaboration avec des dizaines de municipalités partout au Québec, dont certaines de petite taille, plus ou moins proches des grandes centralités (MRC des Sources, Charlevoix et Charlevoix-Est, notammentnotoirement). Que nous dit-on lorsque nous abordons leurs défis en matière d’habitation ? Malgré les efforts déployés, elles ne parviennent pas à rassembler des conditions suffisamment attrayantes pour que des promoteurs à but lucratif y investissent. Pourquoi ? Essentiellement parce que le ratio entre les coûts de développement et les revenus potentiels est moins avantageux dans leur municipalité, malgré des terrains pratiquement offerts, que dans de plus grandes villes, où les prix de vente ou de location anticipés compensent des coûts plus élevés de développement. Devons-nous exiger des entreprises privées qu’elles révisent leurs plans d’affaires ? Non. Est-il primordial que l’État intervienne pour combler ce manque à gagner en soutenant l’offre à but non lucratif dans les petites municipalités ? Sachant que dans plusieurs d’entre elles les taux d’inoccupation frôlent 0%, que les aînés ne parviennent plus à s’y loger ou encore que des municipalités ont à multiplier les accommodements ponctuels pour loger leurs travailleurs, la réponse est évidente: oui.  

Vider les listes d’attente

Plus encore que d’aider les personnes laissées pour compte par le marché, l’État peut jouer un rôle structurant dans tout le parc immobilier résidentiel: maintenir un marché d’acheteurs à perpétuité. Si le secteur à but non lucratif s’active et conserve un rythme de mises en chantier à la fois massif et programmé, il peut fixer les conditions dans le reste du marché en s’assurant que toute personne qui souhaite habiter dans une unité à but non lucratif, qu’elle soit communautaire, sociale ou subventionnée, puisse y accéder sans passer par une liste d’attente, une loterie ou un examen de ressources. 

L’objectif des listes d’attente vides est utile pour deux raisons: il nous garantit que nous avons répondu aux besoins de tous et de toutes, et il nous indique qu’il y a une contre-offre à celle du marché conventionnel. À cet effet, tout devrait être mis en œuvre pour rehausser la mesure de nos ambitions en matière de construction à but non lucratif, pour ensuite ajuster nos moyens en conséquence. 

Profiter de notre actif collectif

Enfin, nous comptons au Québec sur un remarquable écosystème de promoteurs à but non lucratif. On a qu’à penser aux Groupes de ressources techniques ou aux développeurs et propriétaires d’habitations à but non lucratif - qui possèdent l’expertise pour acquérir et construire des milliers de nouveaux logements par année - pour s’en convaincre. Les offices municipaux réussissent quant à eux à exploiter des dizaines de milliers d’unités à but non lucratif depuis les dernières décennies. Or, tous ces acteurs composent avec des programmes incomplets et complexes, des financements publics lacunaires et déconnectés de l’évolution des coûts de construction et d’exploitation.

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