Il y a quatre ans, l’élection de la Coalition Avenir Québec a changé le paysage politique québécois. Dans le milieu environnemental, les craintes étaient fortes. Un nouveau parti politique prenait le pouvoir avec un programme environnemental très mince. Dans l’opposition, la CAQ n’avait pas fait de l’environnement une priorité; elle s'était parfois même montrée hostile aux transports collectifs. Puis, dans son discours inaugural, François Legault y est allé de sa fameuse déclaration: « La survie de notre planète est en jeu. Je ne peux ignorer ce défi de l'urgence climatique et continuer de regarder mes deux fils dans les yeux. »
Reste qu’au cours du dernier mandat, les décisions prises n’ont pas été suffisantes. Dans un sondage réalisé en mai, 48% des Québécois se disaient insatisfaits du bilan environnemental du gouvernement Legault. Seuls 31% en étaient satisfaits.
Le consensus québécois en faveur de l’action climatique demeure solide. Le gouvernement Legault a tout de même posé des gestes, certains que j’oserais même qualifier d’audacieux. Avec son plan pour une économie verte (PEV), il a établi un nouveau seuil d’ambition minimal. Le nouveau cadre de gouvernance climatique prévoit d'ailleurs une mise à jour annuelle du plan pour continuellement accélérer la transition écologique. Faire plus et faire mieux, à chaque année. On veut y croire.
Après quatre ans, quel bilan pour le gouvernement? Pour cette chronique, soulignons trois bons coups et trois mauvais de la 42e législature du Québec du point de vue de Vivre en Ville.
Les bons coups
- Il m’est arrivé à plus d’une reprise d’appeler le gouvernement à faire preuve de leadership dans le dossier du tramway de Québec. Certes, le projet aurait dû cheminer plus rapidement. Il n’en demeure pas moins que le premier ministre a fini par mettre son point sur la table, et le conseil des ministres a bel et bien adopté les décrets nécessaires à la réalisation du projet.
Le gouvernement s’est approprié le dossier. Des modifications au tracé ont été faites à sa demande. Le député caquiste de Chauveau, Sylvain Lévesque, a clairement indiqué qu’il entend défendre le projet du gouvernement, qui constitue un dossier important pour la Capitale-Nationale. On se doute bien qu’une partie de la base électorale de la CAQ s’y oppose, comme c’est toujours le cas en amont des grands projets de transports collectifs, mais justement, le parti de François Legault est bien placé pour la convaincre. Le gouvernement a d’ailleurs mis le développement de plusieurs projets structurants de transport collectif au cœur de son Plan pour une économie verte. Dans chacun des cas, il devra en faire la promotion. - L’adoption d’une Politique nationale d’architecture et d’aménagement du territoire (PNAAT) se trouvait dans le programme environnemental de la CAQ en 2018, et plusieurs experts considéraient qu’il s’agissait d’un de ses engagements les plus structurants. Le gouvernement a finalement annoncé la révision du cadre d’aménagement du territoire dans son plan pour une économie verte, et les travaux ont été lancés en janvier 2021. La démarche est ambitieuse et rassemble à la fois le monde municipal, les parties prenantes de la société civile et des experts. Dans son document de consultation et dans sa politique nationale adoptée au printemps dernier, le gouvernement indique clairement qu’il faut freiner l’étalement urbain qui empiète sur les milieux naturels et agricoles. En mettant en œuvre les principes et intentions établis dans la PNAAT, le gouvernement se donnera les moyens de solutionner une des principales causes de la dégradation de l’environnement au Québec.
- En novembre 2021, le Québec s’est joint à la « Beyond Oil and Gas Alliance », une coalition lancée par le Costa Rica et le Danemark afin de mettre fin à tout nouveau projet pétrolier ou gazier. Avant la fin de son mandat, le gouvernement a adopté un projet de loi confirmant cet engagement. Voilà un geste fort qui a soulevé l’ire des pétrolières et des gazières. En se tenant ainsi debout, le Québec pourrait inspirer d’autres États à emboîter le pas.
Les mauvais coups
- Le troisième lien. Le gouvernement refuse toujours de rendre publiques une étude d'opportunité et une analyse avantage-coût qui justifieraient ce projet actuellement estimé à, minimalement, plus de 6 milliards de dollars et qui bénéficie de sa « propre gouvernance ». Ai-je vraiment besoin d’en dire plus? Ce dossier est toxique et mine tous les efforts du gouvernement en matière d’environnement.
- La Politique nationale d'architecture et d’aménagement du territoire a beau énoncer de bons principes, elle ne s’accompagne pas à ce jour d’actions concrètes et d’investissements. Il faudra attendre le plan d’action, prévu pour l’hiver 2023. Chaque année qui passe compte et le mauvais développement urbain peut difficilement être corrigé. Rappelons aussi que l’annonce de la révision du cadre d’aménagement du territoire s’est faite à la suite de l’approbation controversée du schéma de la MRC de Montcalm, qui prévoit le dézonage de 160 hectares de terres agricoles et qui permet le lotissement de plus de 545 hectares de terres souvent boisées, pour y construire, dans biens des cas, des maisons unifamiliales en mode « étalement urbain ».
- Enfin, le refus obstiné de recourir à de nouvelles mesures d’écofiscalité tel que recommandées notamment par le Commissaire au développement durable du Québec et par les différents comités d’experts chargés de conseiller le gouvernement dans l’élaboration du Plan pour une économie verte est une des principales raisons qui font craindre que le gouvernement ne parviendra pas à atteindre plusieurs cibles environnementales.
La fiscalité ne devrait plus être un tabou au Québec alors que c’est l’un des meilleurs instruments pour inciter à des choix plus écologiques. Je pense notamment aux grosses cylindrées, qui continuent d’être vendues sans tenir compte des coûts environnementaux réels qu’elles occasionnent et qui annulent les gains réalisés grâce à l’arrivée de véhicules électriques généreusement subventionnés. Je pense aussi à l’opposition du ministre François Bonnardel à la contribution de 50$ des automobilistes de banlieues au transport en commun dans la Communauté métropolitaine de Montréal en 2019 alors que 81 de ses 82 maires s’étaient prononcés en faveur.
Une approche radicale et pragmatique
Au final, quel bilan pour la CAQ? Assurément insuffisant, surtout lorsqu’on constate l'accélération de plus en plus manifeste et dommageable des changements climatiques. Toutefois, ce bilan est moins catastrophique que je le redoutais au départ, il y a aussi des bons coups.
Peu importe qui prendra le pouvoir aux prochaines élections, j’en appelle à l’ouverture d’esprit et à l'audace d’agir. Nous savons qu’il faut en faire plus, et il faudra avoir le courage d’embrasser des idées nouvelles, et oui, souvent, de changer d’idée.
Au cours des prochaines semaines, Vivre en Ville rendra publiques ses propositions d’engagements transmises aux partis politiques. Nous proposons de répondre simultanément à la crise de l’habitation et à la crise climatique. Il est grand temps, comme je l’affirmais il y a près de 4 ans, d'adopter une approche radicale et pragmatique. Je ne sais plus comment le dire, le crier, l’expliquer, mais nous ne pouvons plus ignorer l’urgence climatique et les solutions qui s’imposent.