Ce texte est une réponse à la chronique 2020: le temps de s’occuper plus et mieux de la banlieue de Christian Savard. Alors qu'une grande conversation nationale sur l'aménagement du territoire s’apprête à avoir lieu au Québec, toutes les réalités régionales devront être incluses. La question de l'étalement urbain est incontournable, mais il faudra aller plus loin.
Certainement parce que j’ai grandi à Mont-Laurier, dans les Hautes-Laurentides (dans la maison sur la photo ci-haut), je trouve qu’on ne parle pas assez souvent des régions du Québec. La réalité de la MRC Antoine-Labelle, une région ressource située au nord des Laurentides, est bien différente de celle des Basses-Laurentides, dans la couronne de Montréal.
Bien que la région administrative des Laurentides connaît la plus forte croissance démographique au Québec, la population de la MRC d’Antoine-Labelle stagne, une situation fréquente dans les régions dites « éloignées ». La question de l’étalement urbain, très présente dans l’espace public ces semaines-ci, ne s’y pose donc pas de la même façon.
Alors que la ministre des Affaires municipales Andrée Laforest s’apprête à lancer une « grande conversation nationale » sur la question de l’aménagement du territoire, il est évident qu’elle devra tenir compte des différentes réalités.
Néanmoins, à bien des égards, les priorités en matière d’aménagement convergent, tant en milieux rural, urbain que périurbain.
Comme partout au Québec, le centre-ville de Mont-Laurier, une ville de 14 000 habitants, a beaucoup souffert de l’éparpillement des activités. Plusieurs commerces se sont déplacés vers le boulevard par lequel transitent les voyageurs en direction vers l’Abitibi. Les lieux de résidences se sont également éloignés du centre.
Il y a quelques années, quand la Caisse Desjardins a annoncé le déménagement de ses bureaux sur le boulevard, un mouvement citoyen a rapidement émergé pour protéger le coeur de la ville. C’est dire que l’attachement au centre-ville y demeure fort.
La Ville s’apprête à investir des sommes considérables dans un Plan de revitalisation du centre-ville. Plantation d’arbres, élargissement des trottoirs, traverses piétonnières revampées, mise en valeur du patrimoine bâti, nouvelles places publiques et mobilier urbain: les éléments qui font la convivialité et l’attractivité des rues ont beaucoup en commun, qu’on se trouve dans une petite municipalité des Hautes-Laurentides ou dans un quartier central de Montréal.
Un meilleur soutien aux villes et aux villages
L’État québécois devrait en faire beaucoup plus pour soutenir la vitalité de nos coeurs de collectivités, lieux propices aux rencontres et à la diffusion culturelle. La localisation des édifices publics, au premier abord, devrait être exemplaire et favoriser l’accessibilité, notamment pour les personnes à plus faible revenu, qui résident souvent à proximité des noyaux villageois, là où se trouve souvent une bonne partie des logements locatifs. Plusieurs politiques publiques, comme la Politique de mobilité durable, reconnaissent justement que les bâtiments publics devraient servir de catalyseurs pour les milieux de vie, parce qu’ils génèrent des déplacements et de l’activité.
Comme Christian Savard le rappelait dans sa chronique du mois dernier, Vivre en Ville propose la création d’un Fonds en aménagement et urbanisme durables doté d’une enveloppe de 100 millions par année. Il s’agit d’une de nos propositions au gouvernement dans le cadre du Plan d’électrification et de changements climatiques. Ce fonds serait notamment dédié à la consolidation des noyaux villageois et à la création d’écoquartiers partout au Québec.
Il y a beaucoup à faire pour promouvoir les déplacements actifs en région. Souvent, dans les petites et moyennes collectivités, les distances à parcourir entre le domicile et le travail sont modestes et se prêtent bien à la marche ou au vélo, mais les infrastructures piétonnières et cyclables sécuritaires manquent cruellement. Il s’agit d’une culture à développer.
On ne réduira probablement pas massivement les émissions de gaz à effet de serre dans les contextes ruraux en construisant des réseaux structurants de transports collectifs (une densité minimale étant nécessaire), mais la demande est en forte augmentation. Les transports collectifs et adaptés représentent un service essentiel pour bon nombre de personnes, notamment dans un contexte de vieillissement de la population.
Autre point de convergence, les municipalités de toutes les régions du Québec seront directement exposées aux changements climatiques. On le sait, une ressource naturelle comme l’eau ne peut tout simplement pas être gérée en vase clos. La nature n’a que faire des frontières administratives.
Qu’il s’agisse d’érosion des berges ou d’inondations printanières, l’adaptation aux nouveaux aléas du climat est un défi qui nous incombe à tous. À court terme, les coûts de l’adaptation aux changements climatiques sont estimés à 4 milliards de dollars. La reconnaissance de la valeur des milieux naturels et leur protection doivent devenir prioritaires.
Une vision d’ensemble rassembleuse pour le territoire du Québec
La conversation nationale sur l’aménagement du territoire que lancera sous peu le gouvernement du Québec s’annonce passionnante. Personne n’est indifférent à son milieu de vie.
L’alliance ARIANE, un mouvement constitué de citoyens, d’experts, d’élus municipaux et d’organisations de la société civile, prépare le terrain depuis 2015 en vue de l’élaboration d’une Politique nationale d’aménagement du territoire. Toutes les régions du Québec devront être en mesure de faire entendre leurs aspirations et bénéficier d’une occupation plus saine du territoire.
Le territoire québécois est à la croisée des chemins, écrivait une vingtaine d’universitaires au mois de décembre dernier. Dans un contexte de changements climatiques, les intérêts des régions présentent beaucoup plus de convergences que de divergences. Il est grand temps de nous doter d’une vision d’ensemble rassembleuse qui garantira la résilience et la prospérité de nos collectivités.