Une des grandes difficultés des choix d’aménagement et de développement des collectivités, c’est qu’au contraire de l’industrie ou des grandes infrastructures énergétiques, par exemple, le simple refus n’est pas une option. On peut refuser l’implantation d’une usine. On peut décider de laisser les sables bitumineux sous terre. Mais on ne peut pas empêcher la population d’augmenter, ni les nouveaux ménages de se former.
Chaque jour qui passe, des dizaines de nouvelles familles choisissent où elles vont vivre et comment elles vont se déplacer. On peut travailler sur les options qui leur seront offertes: en ville ou en banlieue, près des services ou pas, cocktail transport ou dépendance à l’auto, cour privée, cour partagée, parc public, etc. Mais on ne peut pas refuser de les accueillir.
Le Québec comptait 3,5 millions de ménages en 2016. On en prévoit un demi-million de plus d’ici 2041. En 25 ans, on doit donc construire 500 000 nouveaux logements et tous les services et infrastructures requis. Il faut les mettre quelque part, et il faut prévoir les déplacements de leurs occupantes et occupants.
Cela oblige à faire des choix collectifs en aménagement du territoire.
Or, en aménagement du territoire, les mauvais choix sont là pour toujours, ou presque. Ce n’est pas comme une usine polluante, qu’on peut toujours décider de fermer ou réglementer plus sévèrement. Ce n’est pas comme une voiture énergivore, qu’on peut remplacer par un meilleur modèle une fois usée.
Une terre agricole détruite ne peut pas être réhabilitée. Des bureaux enclavés au bord d’une autoroute ne deviendront pas accessibles aux gens qui y travaillent. Un écosystème détruit ne se répare pas. Une famille installée dans un milieu dépendant de la voiture restera dépendante de la voiture, peu importe ses préférences et son sentiment de responsabilité. À moins d’y consentir des efforts de requalification majeurs, coûteux et de longue haleine.
Chaque jour qui passe, nous construisons le futur de nos milieux de vie. Nous pouvons contribuer à régler les problèmes existants, et éviter d’en créer pour l’avenir. C’est pour cela qu’à Vivre en Ville, nous mettons tellement d’énergie à travailler sur la transformation des milieux déjà urbanisés, dans le double objectif d’optimiser l’utilisation du territoire et d’améliorer la qualité de vie de la population déjà présente.
Mais chaque jour qui passe, si nous faisons de mauvais choix, nous construisons des problèmes durables pour les générations qui nous suivront. Des quartiers dépendants de la voiture, des trames de rues dysfonctionnelles, des milieux exposés aux inondations, des déserts alimentaires.
Or, malgré une prise de conscience croissante, malgré une réelle bonne volonté de nombreux acteurs publics et privés, malgré une certaine mobilisation citoyenne, professionnelle et politique, la plupart des décisions se prennent encore à l’encontre du développement durable de nos collectivités.
Oui, il y a de nombreuses initiatives prometteuses. Mais quand on compare, par exemple, les investissements dans les infrastructures qui nous enfoncent dans le verrouillage carbone, comme les élargissements d’autoroutes, et dans celles qui nous en libèrent, force est de constater que nous n’allons toujours pas dans la bonne direction, en dépit de nos bonnes intentions.
C’est pour cela qu’à Vivre en Ville, nous travaillons si fort à faire évoluer les politiques publiques, pour que bâtir des collectivités viables devienne dès demain la norme, pas l’exception.
C’est aussi pour cela que malgré notre nature exigeante et notre vision ambitieuse du développement des collectivités, il nous arrive de donner une chance à des projets qui ne sont pas parfaits, mais qui pourraient contribuer à régler plus de problèmes qu’ils n’en créent. Parce que ne rien faire serait pire!
C’est parfois le cas de projets de transport collectif, comme récemment, à Montréal, avec le REM et le projet de REM de l’Est. Cela peut aussi être le cas de projets de développement urbain, qui ont certains impacts sur leur voisinage immédiat mais dont l’effet est globalement positif.
Nous avons grandi dans des villes et des villages bâtis par nos ancêtres, mais c’est dans les milieux que nous-mêmes aurons construits que vivront nos propres petits-enfants. Nous devons réorienter nos investissements et accélérer les projets qui contribuent à régler nos problèmes. Sinon, nous nous enfoncerons chaque jour davantage dans un cul-de-sac dont il deviendra impossible de sortir.
Alors que se prépare une grande conversation nationale en aménagement du territoire, les choix sont devant nous. Ne tardons pas à prendre les bonnes décisions, car chaque jour qui passe, c’est un peu de passé qui se projette dans notre avenir.