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Étalement urbain: une catastrophe écologique et économique à endiguer

Par: Samuel Pagé-Plouffe
10 mars 2022

L’étalement urbain est une catastrophe écologique et économique partout au Canada, et la tendance est peu reluisante au Québec. C’est du moins le constat qui se dégage dans un récent article de Radio-Canada par Naël Shiab et d’Isabelle Bouchard: On a utilisé une intelligence artificielle pour mesurer l’étalement urbain au Canada. Les auteurs ont observé l'évolution de l'utilisation du territoire entre 2001 et 2021 pour les neuf plus grandes régions métropolitaines du Canada.

Au Québec, la densité de la population de la région métropolitaine de recensement (RMR) de Montréal aurait diminué de 8,7 % en vingt ans et celle de Québec de 9,4 %*. En fait, la variation des superficies urbanisées des deux RMR ont chacune augmenté près de deux fois plus (1,7) que la variation de leur population entre 2001 et 2021. Bien que le centre-ville de Montréal se soit densifié depuis les dernières années (passant de 88 000 à 109 500 habitants entre 2016 et 2021 selon le dernier recensement canadien, soit une hausse de 24,2%), la diminution de la densité résidentielle montréalaise s’expliquerait donc dans des pratiques d'aménagement du territoire ayant favorisé l’étalement urbain en périphérie.

Néanmoins, selon la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), l’adoption du Plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD) en 2011 a permis de ralentir cet étalement urbain : « La proportion de maisons individuelles dans l’ensemble des mises en chantier résidentielles de la région est d’ailleurs en forte baisse et est passée de 50% au début des années 2000, à environ 7% en 2021 ». Notons aussi que le territoire du PMAD, ne couvre pas l’ensemble de la région de recensement, défini par Statistique Canada; des municipalités de Saint-Jean-sur-Richelieu, Saint-Zotique, Saint-Jérôme et Saint-Lin-Laurentides font partie de la RMR de Montréal, mais ne sont pas assujetties au PMAD. 

Par ailleurs, même si les densités de population et des emplois dans un secteur donné sont moyennes ou fortes, elles doivent s’accompagner de services de proximité et d’une intégration efficace au transport collectif! À défaut de quoi, on risque de gaspiller une partie des bénéfices liés à la densité (wasted density).

L’étalement urbain sur l’environnement un impact majeur et direct, qui est aussi économique. D’après une étude publiée en 2015 sur la région du Grand Montréal, la dégradation des environnements naturels liée à l’étalement urbain représente des pertes annuelles de 236 M$ pour les municipalités du territoire, notamment en diminution de couvert forestier et de terres cultivables. Mais l’étalement urbain a également un impact considérable sur les finances publiques. En fait, toute chose étant égale par ailleurs, les coûts annuels des services municipaux dans des territoires peu denses reviendraient à près de 3 500 $ par ménage, alors qu’il en coûterait un peu plus de 1 400 $ par ménage en milieu urbain. De plus, pour les municipalités, les milieux de vie complets produisent beaucoup plus de valeur fiscale par hectare que les milieux axés sur l'automobile.  

Vivre en Ville propose donc d'établir une cible bien simple pour l’ensemble du Québec: l'étalement zéro. 

Si l’on revient sur le récent article de Radio-Canada, il est facilement observable sur la carte (image ci-dessous) que les nouvelles constructions résidentielles (en mauve) suivent les grands axes autoroutiers de l’extérieur de l’Île de Montréal. Augmenter la capacité autoroutière et permettre le développement à proximité d’une bretelle d’autoroute favorise fortement la demande induite associée à l'usage de l’automobile, contribue à l’augmentation des gaz à effet de serre et détruit les milieux naturels. À l’inverse, résider dans un secteur dense encourage les modes de déplacement à plus faible empreinte et réduit la dépendance à l’automobile.

Etalement Urbain

Image tirée de On a utilisé une intelligence artificielle pour mesurer l’étalement urbain au Canada. Les zones résidentielles construites entre 2001 et 2021 sont représentées en mauve. D’un point de vue spatial, celles-ci suivent les grands axes autoroutiers de l’extérieur de l’Île.

Mais la densité urbaine ne s’exprime pas uniquement en densité résidentielle. En effet, bien que l’article ne mentionne que trop peu d’éléments sur le sujet, la localisation des emplois et leur densité ont également un impact important sur l’étalement urbain. Les employeurs qui s’installent près des axes autoroutiers, pourvus d’espaces de stationnement gratuit, favorisent la dépendance à l’automobile. La localisation d’un bureau, d’un hôpital, d’une école ou d’une grande entreprise aura donc un impact considérable et à long terme sur la mobilité quotidienne de la main-d'œuvre et l’aménagement du territoire environnant. 

On le sait, l’ajout d'une infrastructure de transport influence fortement le lieu et la forme du développement urbain. Ainsi, pour réduire l’étalement urbain, les investissements en infrastructures de transports collectifs doivent se multiplier rapidement! Des services de transport en commun fiables, rapides, confortables et efficaces sauront rivaliser contre l’auto solo. Chaque année qui passe compte et nous avons nettement manqué d’ambition au cours des dernières décennies. En région métropolitaine, il faut donc complètement cesser le développement autoroutier (cela inclut les voies réservées autorisant les véhicules électriques et le covoiturage à deux personnes), ou l’on se dirige vers une faillite environnementale et financière.

Le gouvernement du Québec doit travailler dès maintenant avec les villes pour redresser la situation. La Politique nationale d'architecture et d'aménagement du territoire attendue ce printemps devra jeter la base d’un nouveau modèle de développement urbain et mettre en place des règles communes pour faire face aux défis du 21e siècle.

 

*Une erreur de calcul semble s’être glissée dans le reportage. Il aurait fallu voir 8,7 % au lieu de 9,7 pour la RMR de Montréal et 9,4 % au lieu de 1,7 pour celle de Québec. 

Pour en savoir plus sur nos propositions pour mettre fin à l'ère de l'étalement urbain et pour entrer dans l'ère de la consolidation, consultez notre mémoire « Désormais » en vue de la Politique nationale d'architecture et d'aménagement du territoire.

Pour vous mettre en action, consultez notre publication « Planifier pour le climat », une démarche en six étapes pour intégrer la lutte contre les changements climatiques à la planification en aménagement et en urbanisme.

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