La semaine dernière a vu le projet de REM de l’Est être mis à l’arrêt, en l’attente d’une nouvelle mouture. Un autre projet de transport collectif qui tombe, mais c’était probablement la chose à faire. Les attentes demeurent élevées, l’engagement reste heureusement fort du côté de Montréal, le gouvernement reste ouvert et même pressé.
Je dois le reconnaître: je ne pensais pas que la présence de structures aériennes soulèverait une opposition aussi viscérale. Il y a un an, je soulignais que l’intégration du REM au centre-ville serait un défi. La greffe n’a finalement pas pris. J’en prends acte.
Il faut dire que même pour moi, qui avais démontré de l’ouverture face au projet, la proposition architecturale n’était pas tout à fait convaincante. D’autant plus que les contraintes techniques, en particulier de conformité aux normes antibruit, rendaient beaucoup plus difficile que prévu une intégration harmonieuse au centre-ville. Il faut toutefois se garder d’exclure pour toujours l’option du métro aérien, un modèle aussi performant que le métro pour un coût moindre, mais il y faudra le bon contexte.
Je reste cependant surpris que le projet de réduire de 50% la place accordée à la voiture sur René-Lévesque, une vision audacieuse, n’ait pas davantage séduit et attiré l’attention. Il va falloir des gestes aussi forts, dans nos centres-villes, pour leur redonner échelle humaine.
S’il est un critère sur lequel le projet de REM était à la hauteur, c’est l’ambition en matière de desserte. Relier le Nord-Est et l’Est de Montréal directement au centre-ville, avec une desserte de qualité métro, une fréquence et une amplitude élevées, en traversant des milieux bâtis et d’autres à redévelopper: il y avait là de quoi changer l’ADN du Grand Montréal, encore tellement autoroutier.
On a beaucoup entendu que le REM « cannibaliserait » les lignes existantes de transport en commun. C’est un argument que je n’achèterai jamais. Les personnes qui prennent le transport en commun n’ont pas à demeurer captives d’un réseau qui ne répond pas assez bien à leurs besoins. Si nous sommes sérieux dans notre ambition d’augmenter la part modale du transport collectif, il faut multiplier les lignes pour créer un réseau robuste et attractif. Pour faire concurrence à la voiture, le transport en commun doit être irrésistible.
Nous ne sommes plus dans les années 90, où le transport collectif se débrouillait avec des bouts de ficelle (et où il perdait beaucoup de terrain!). Ce n’est pas le moment de baisser les bras et de se contenter de demi-projets. Nous faisons face à une urgence climatique. Nous faisons face à des inégalités territoriales. Le transport en commun est un vecteur d’équité, de meilleur accès à l’emploi, de rupture de l’isolement. De nombreuses études l’ont prouvé. Pour l’Est de Montréal, nous ne pouvons pas réduire notre niveau d’ambition par rapport au projet de REM.
Mais assez parlé du REM: il n’y a pas que Montréal au Québec! C’est partout qu’il faut multiplier les projets ambitieux de transport collectif.
Nous avons bouleversé l’organisation de nos villes avec les réseaux autoroutiers des années 60. Il est plus que temps de les remodeler à l’aide du puissant outil qu’est le transport collectif. Pour cela, nous devons voir tout aussi grand qu’à l’époque, mais dans une autre direction. Travailler dès maintenant aux phases 2 et 3 du tramway de Québec. Construire celui de Gatineau. Mettre en place au moins un parcours à haute fréquence, toute la journée, à Saguenay, Trois-Rivières, Sherbrooke. Prolonger la ligne orange du métro au moins jusqu’à Bois-Francs. Rêver pour la couronne Nord de Montréal, mettre en place un projet pour Taschereau sur la Rive-Sud. Il faut aussi des réseaux régionaux et interurbains forts.
Le chantier sur le financement de la mobilité doit nous donner les moyens de toutes ces ambitions-là, et bien d’autres. Des résultats concrets sont attendus pour l’automne 2022. Rappelons que la Politique de mobilité durable du Québec prévoit une augmentation de l’offre de transport collectif de 5% par année. Il faut maintenir le cap et reprendre l’élan prépandémique !
La planète a besoin de moins de voitures. Même électrique, c’est un mode trop consommateur de ressources et d’espace. La seule manière de construire des villes viables, c’est de miser sur le transport collectif.
Quand un projet de transport collectif ne passe pas la rampe, que ce soit pour des raisons esthétiques, comme le REM, ou pour d’autres raisons, il ne faudrait jamais le revoir à la baisse. Il faut proposer plus et mieux. Pas moins.
N’acceptons plus de demi-mesures. Je serai toujours là quand l’ambition est au rendez-vous.