Printemps 2015. La société civile et de nombreuses collectivités sont éprouvées par les mesures d’austérité gouvernementale. L’ambiance pourrait être au découragement. Pourtant, quelques passionnées et passionnés de l’aménagement du territoire et des milieux de vie s’activent, en coulisses, pour jeter les bases d’une mobilisation en faveur d’une politique nationale d’aménagement du territoire pour le Québec.
Septembre 2015. Dix organisations, dont Vivre en Ville, forment l’alliance ARIANE, qui va dorénavant se consacrer à cet unique objectif: faire de l’aménagement du territoire une priorité. La déclaration Pour une politique nationale d’aménagement du territoire et d’urbanisme est d’emblée appuyée par 50 signataires représentant les divers domaines liés à l'aménagement: mobilité, patrimoine, santé, logement, agriculture, environnement…
En quelques semaines, cette déclaration va recueillir des centaines puis des milliers de signatures de partout au Québec. Les professionnels, mais aussi les citoyens engagés et tous ceux qui aspirent à des milieux de vie de qualité réactivent ainsi une demande issue, en 2006, des états généraux de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme.
Février 2018. L’alliance ARIANE réunit 150 représentants de tous les domaines concernés au forum Savoir où on s’en va. Le forum est coprésidé par Sylvie Bernier, ambassadrice des saines habitudes de vie, qui rappelle les liens entre aménagement et santé, et Yves-Thomas Dorval, président du conseil du patronat, qui en souligne les impacts économiques.
Juin 2018. Alors que la campagne électorale bat son plein, l’alliance ARIANE lance sa feuille de route vers une politique nationale d’aménagement du territoire pour le Québec. Le Parti Québécois, Québec solidaire et la Coalition avenir Québec vont intégrer ce projet dans leurs plateformes électorales.
Octobre 2018. Saint-Jean-sur-Richelieu est la première municipalité à appuyer officiellement la déclaration de principe de l’alliance ARIANE. Rapidement, Victoriaville, Gatineau, Montréal, une vingtaine de villes et villages vont signer la déclaration.
Décembre 2019. La conférence de l’ONU sur les changements climatiques bat son plein. Vingt scientifiques et experts québécois appellent à « faire de l’aménagement une préoccupation maîtresse des décideurs publics », notamment pour répondre à l’urgence climatique.
Janvier 2020. La ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, parle pour la première fois de son intention de réformer l’aménagement du territoire. Elle réaffirmera, quelques mois après, son intention de lancer une grande conversation nationale et son ambition d'adopter une vision commune « digne du 21e siècle » en matière d’aménagement.
Cinq ans de mobilisation plus tard, nous y voici donc: la conversation nationale est lancée. Pour y parvenir, il aura fallu une concertation forte et soutenue, des centaines d’heures de travail, de l’audace, de l’écoute, de la ferveur. Il aura fallu que des organisations aux missions distinctes mais convergentes s’entendent sur cette priorité. Que partout au Québec, des citoyens en parlent à leurs élus locaux et à leurs députés. Que vous, vous vous mobilisiez en faveur de ce projet de société.
Nous y voilà, enfin.
Mais la mobilisation qu’il a fallu pour que la conversation débute n’est rien à côté de celle qui sera nécessaire pour que la future Stratégie nationale d’urbanisme et d’aménagement des territoires soit à la hauteur de nos attentes.
Car le travail ne fait que commencer. À nous, maintenant, d’être au rendez-vous pour contribuer à définir la vision. Pour rappeler que bien aménager le territoire, c’est protéger les terres agricoles. C’est mettre de petites écoles au cœur de chaque quartier. C’est verdir nos milieux de vie. C’est cesser de voir les sorties d’autoroute comme des vecteurs de développement économique. C’est choisir une occupation du territoire respectueuse de l’environnement. C’est assurer la vitalité de nos cœurs de villes et villages. C’est lutter contre les inégalités territoriales. C’est mettre en valeur le patrimoine.
Cela vous tient à cœur? Faites-vous entendre. Parlons territoire, partout, pour nous donner ensemble la voie à suivre.
Je sais, nous sommes en pandémie et nous sommes fatigués. Mais la pire erreur serait de penser que notre travail est terminé. C’est le contraire: nous avons une occasion à saisir, et quelques mois à peine pour participer au grand chantier qui orientera les prochaines décennies de développement territorial.
Déjà, le milieu environnemental et les gens d’affaires ont mis le dossier à leur agenda. Le G15+ en a fait le sujet principal de son grand panel sur les collectivités prospères, inclusives et résilientes. Le Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement y a consacré une bonne partie de son forum national de l’action climatique. Ce n’est que le début d’une conversation qui doit toucher tous les milieux, tous les domaines, et où vous, vous devez vous faire entendre.
La société civile va tenir des évènements pour contribuer à la conversation, nous sommes déjà en train de plancher là-dessus. Il nous faudra aussi participer en nombre à la consultation officielle.
Pour vous tenir au courant, suivez la page du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation, qui porte le dossier. Vous êtes une organisation? Assurez-vous d’être invité à l’un des laboratoires d’innovation publique, qui commencent la semaine prochaine. Vous êtes une citoyenne, un citoyen? Soyez à l’affût de la consultation en ligne qui aura lieu cet été. Vous êtes en région? Participez à la tournée régionale de la ministre.
La future stratégie doit être un point tournant dans l’histoire du Québec, comme l’a été, il y a 40 ans, la Loi sur la protection du territoire agricole et la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Il doit y avoir un avant et un après. Tous nos espoirs, tous nos regrets, c’est maintenant qu’il faut les mettre sur la table. Soyons au rendez-vous.