Dans le monde de l’alimentation, l’année 2020 a été vraiment hors du commun. Évidemment, la pandémie a mis à l’épreuve le système d’approvisionnement, plusieurs craignaient des ruptures importantes, ce qui ne fut finalement le cas que pour quelques produits ciblés. Les taux d'insécurité alimentaire ont toutefois augmenté significativement au Québec au début de la pandémie, en particulier à Montréal. Les banques alimentaires ont dû répondre à davantage de demandes d'aide alimentaire avec souvent, moins de bénévoles pour en assurer la distribution, exacerbant encore davantage les inégalités sociales de santé. L’année fut difficile au plan de la main d’œuvre agricole, très dépendante des travailleurs étrangers, au plan des capacités de transformation de la viande (éclosions dans les abattoirs, peu nombreux au Québec) et bien sûr pour les restaurateurs. Certains chefs se sont adaptés en offrant des repas à emporter de qualité, mais c’est le service à l’auto et la livraison qui en sortent gagnants. De leur côté, les épiceries font tout de même de bonnes affaires, puisqu'on doit tous manger trois par jour, et on le fait davantage à la maison.
Le mouvement de l’alimentation de proximité était déjà lancé, mais dès le printemps, les semenciers et les fermiers de famille offrant des paniers ont été très sollicités. L'intérêt pour l’achat local s’est amplifié, tout comme l’intérêt pour le jardinage et l’autonomie alimentaire. À tel point qu’on constate des investissements gouvernementaux sans précédents pour le renforcement des circuits courts, de l’approvisionnement des institutions (hôpitaux, garderies, etc.), de l’agriculture durable (réduction des pesticides), la modernisation des usines de transformation et de la production en serre, notamment. Les démarches de communautés nourricières, que nous accompagnons depuis plusieurs années à Vivre en Ville, font également l’objet d’un soutien financier à l'intention des municipalités et des communautés autochtones.
L’étendue des initiatives mises en place par les communautés pour renforcer leur système alimentaire local impressionne. À elle seule, la Ville de Montréal soutient un projet de 3,2 M$ pour la mise sur pied d’un système alimentaire local et intégré pour améliorer l'accès à des produits sains, nutritifs et locaux pour la collectivité montréalaise. En milieu rural, la Haute-Gaspésie a reçu un appui majeur du programme Climat municipalités pour le Laboratoire Nourrir notre monde, vaste démarche de mobilisation visant à doter ses communautés d'infrastructures alimentaires de proximité (serres, chambres froides, entrepôt, etc.). La Montérégie développe également un vaste projet de récupération des surplus alimentaires afin de réduire le gaspillage et d’améliorer la sécurité alimentaire.
Au chapitre du territoire agricole, un long plaidoyer en faveur de la protection des terres agricoles des Soeurs de la charité à Québec a finalement eu gain de cause après plus de 10 ans. Ces dernières annonçaient, juste avant Noël, vouloir consulter les différents groupes intéressés pour définir un grand projet collectif, auquel j’en appelais d’ailleurs dans cet article de 2016. De nombreuses organisations et des milliers de citoyens ont successivement contribué à sauvegarder ces terres grâce à des pétitions, des marches, des sondages, des mémoires et des appuis politiques. Un exemple du pouvoir des démarches collectives, mais aussi de l’importance des balises fixées à l’échelle Québécoise pour l’aménagement du territoire. De plus en plus de voix réclament d’ailleurs un Effritement zéro du territoire agricole et une politique nationale d’aménagement du territoire.
Pour 2021, je nous souhaite donc de travailler encore davantage ensemble afin que ces balises, initiatives et investissements contribuent réellement à transformer le visage de notre alimentation au Québec pour la rendre plus respectueuse de nos territoires, plus favorable à notre santé, plus robuste en cas de crise, mais aussi à la portée de tous les mangeurs, quelle que soit la grosseur de leur bourse ou leur véhicule.
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