Les scientifiques anticipent un emballement du climat qui pourrait commencer dès 2030 (dans dix ans!) si la tendance actuelle se maintient. Les municipalités se trouvent en première ligne mais sont aussi capables d’influencer jusqu’à la moitié de nos émissions de GES totales et 365 municipalités ont déclaré l’urgence climatique en 2018 et en 2019. En 2020, où en sont les municipalités québécoises et comment peuvent-elles agir sur le bilan carbone, contribuer à la relance verte et améliorer la résilience de leur collectivité ?
Plusieurs municipalités ouvrent la voie
De nombreuses villes, de toutes tailles, ont réalisé l’inventaire des émissions de leur collectivité, avant de se doter d’un plan d’action climatique. Plusieurs sont fières de leur leadership en la matière et peuvent montrer la voie, partager leurs bons coups et leurs apprentissages aux autres. Avec le soutien de la Fédération canadienne des municipalités (FCM), Vivre en Ville a d’ailleurs mis sur pied une communauté de pratiques au sein de laquelle les « Municipalités amies du climat » partagent leurs innovations respectives et progressent rapidement dans leur démarche de lutte contre les changements climatiques. Un peu partout, il reste que les moyens sont limités et que la mobilisation de la population autour des objectifs de la municipalités reste un défi. Prioriser les actions climatiques est plus important que jamais.
Les experts recommandaient il y a quelques années encore de commencer par rendre la municipalité exemplaire au regard des émissions liées à ses activités, à ses véhicules et à ses bâtiments, avant d’intervenir pour réduire celles qui émanent des citoyens et des organisations. L’urgence climatique exige désormais d’aborder toutes les sources d’émission de front, ce qui décuple la nécessité de mobiliser la collectivité en amont et de faire de la transition un véritable projet de société, une condition cruciale pour une approche cohérente et à la hauteur des enjeux.
Très répandue, l’approche pragmatique mise en premier sur les actions à coût limité et rapides à mettre en place (p. ex. l’électrification de la flotte de véhicules municipaux), ce qui présente l’avantage d’obtenir des résultats rapidement mesurables, qui valident les efforts et qui inspirent confiance pour passer à l’étape supérieure. Cette approche mise ensuite sur les actions qui permettent les meilleurs gains directs sur le bilan carbone inventorié (p. ex. le remplacement du système de refroidissement des arénas).
Attention, toutefois, au décalage entre la perception de l’efficacité d’une action et son impact réel sur le bilan carbone (p. ex. l’interdiction des bouteilles en plastique), et à la distinction québécoise en matière d’électricité, qui fait que l’amélioration de l’efficacité énergétique n’a pas toujours un fort impact climatique (p. ex. le remplacement des ampoules). Ces actions présentent d’autres avantages, mais on ne peut les prioriser dans un objectif de réduction des émissions.
Penser transversalité pour dépasser l’effet de plateau
Toutefois, une fois réalisées toutes les actions « faciles », les municipalités frappent un plateau et se trouvent démunies, car les émissions restantes semblent irréductibles, en particulier celles de la collectivité (p. ex. les émissions liées aux transports ou aux commerces) : leur réduction supposerait des actions complexes, coûteuses, qui sont risquées ou qui bousculent des groupes vulnérables ou déterminés, ou encore des changements de comportement. Et pratiquement partout, le bilan carbone lié aux transports s’entête à augmenter.
Or, cet effet de plateau résulte en partie de la structure des inventaires des émissions. En chiffrant les émissions par catégories apparemment étanches (bâtiments, véhicules, industries, matières résiduelles, etc.), l’inventaire amène à penser en silo avec des solutions de réduction distinctes pour chaque catégorie. Pourtant, un grand nombre d’émissions sont liées à des questions transversales ou sous-jacentes (p.ex. l’aménagement du territoire a le potentiel de réduire à la source les émissions liées aux bâtiments et aux véhicules) et c’est en travaillant à ces déterminants transversaux qu’il est possible de réduire encore le bilan carbone.
Il ne faut pas sous-estimer la difficulté de s’attaquer à ces champs d’action transversaux. D’une part, parce que cela suppose une collaboration de multiples services et acteurs de la municipalité. D’autre part, parce que même si l’on sait que l’inaction laissera les émissions augmenter, on ne sait pas pour autant calculer d’avance les émissions que l’action permettra d’éviter. Les facteurs qui entrent en jeu sont multiples et différents d’un milieu à l’autre et beaucoup reposent sur des séries de décisions individuelles, sur lesquels la municipalité a peu de prise (p. ex. le choix des destinations, des modes et de la fréquence de déplacement). Pourtant, ces actions transversales sont non seulement structurantes et nécessaires, mais aussi susceptibles de réduire année après année le bilan carbone, notamment en transport. La tarification des services publics a un impact pour 10 à 30 ans, tandis que l’aménagement sobre en carbone du territoire peut avoir un impact sur 30 à 1000 ans.
Offrir un cadre favorable à la réduction du bilan carbone de la collectivité
Les municipalités ont donc la possibilité et la responsabilité de créer un cadre favorable aux pratiques sobres en carbone, notamment à travers l’aménagement du territoire et la planification de la mobilité. Si elles se donnent les moyens d’accueillir la croissance résidentielle et économique dans les secteurs habités les mieux desservis où les nouveaux ménages ont l’option (crédible, attrayante et sécuritaire) de faire les déplacements du quotidien à pied, à vélo ou en transport en commun, et si elles renforcent l’offre de mobilité durable, elles se donnent les moyens d’éviter un certain nombre de déplacements motorisés et d’en raccourcir d’autres. Elles évitent par ailleurs l’urbanisation de milieux agricoles, humides, forestiers ou naturels et la construction de nouvelles infrastructures. Elles tirent donc durablement à la baisse sur leur bilan carbone (et sur leurs dépenses publiques).
Adopter un réflexe climat pour enrayer les nouveaux foyers d’émissions
L’étape suivante consiste pour chaque municipalité, avec l’adoption du réflexe climat, à se mettre à l’abri de décisions ou de projets que sa réglementation autorise encore et qui risquent de détricoter les efforts qu’elle a mis dans l’action climatique (p. ex. l’augmentation de la capacité routière, l’étalement résidentiel et l’éparpillement des activités).
Le réflexe climat assure que, d’ici 10 ans, plus aucun outil, décision ou pratique ne nuise à l’action climatique, sous la forme d’un test climat en amont et au niveau décisionnel. Pour chaque entorse au réflexe climat, la municipalité pourra déclencher un chantier de transition visant à créer les conditions pour qu’elle ne se reproduise pas dans l’avenir.
Pour passer à l’action, utilisez les programmes de la FCM, et pour commencer, Partenaires dans la protection du climat, et restez à l’affût des outils que Vivre en Ville publiera prochainement pour les municipalités amies du climat!